RENDEZ-VOUS / DÉRIVÉ
Carte blanche à Keren Detton


Galerie des Terraux, Lyon
Du 11 au 25 septembre 2005

Saâdane Afif, Etienne Chambaud, François Curlet, Julien Discrit, Andreas Fohr, Remy Jungerman, Stani Michiels, Virginie Yassef.

 

François Curlet, Moonwalk, 2003
© Air de Paris

Des cartes, des plans, des paysages… Les artistes conjuguent des données temporelles, imaginaires ou sociales au tracé scrupuleux des frontières pour mieux interroger les limites de la représentation. Le problème topographique posé par une cartographie à la précision potentiellement infinie est une variante du paradoxe de Zénon : un voyage dont la durée augmente en raison inverse de la distance parcourue. Ce paradoxe illustre l’impossibilité d’atteindre dans un monde fini le terme ultime, la limite absolue. Ainsi, les artistes déroulent notre quotidien avec humour, tordent l’espace et le temps en instaurant le doute et la surprise et nous invitent à nous projeter dans une autre dimension.

 

DÉRIVÉ est une exposition qui se greffe sur une autre à la manière d’un système en dérivation, par opposition à la série… Elle se déploie dans un espace parallèle qui est signalé par un panneau lumineux, « Moon Walk ». Cette œuvre de François Curlet semble réguler le passage des visiteurs de l’exposition RENDEZ-VOUS en alternant les signaux « Walk » et « Don’t Walk » mais l’apparition d’une troisième injonction entraîne l’étonnement, la confusion, voire une certaine désorientation. « Moon Walk » véhicule l’image d’une virée lunaire, d’un mouvement en apesanteur et nous invite à prendre de la distance avec le réel en signalant une possible bifurcation… introduction à cet espace DÉRIVÉ.


En contrepoint du RENDEZ-VOUS, compris comme la rencontre dans un lieu et un temps donnés entre l’œuvre et le regardeur, l’exposition DÉRIVÉ est un mouvement à travers différentes conceptions de l’espace et du temps.
DÉRIVÉ fait suite à une série d’expositions qui ont débuté en janvier 2005 à La Planck. Les travaux présentés sur ce mur ont développé des recherches sur la représentation du paysage et la cartographie. Les œuvres de Julien Discrit, Andreas Fohr, Remy Jungerman et Stani Michiels se caractérisent par des décalages subtils offrant une vision éclatée du territoire et révélant d’infinies variations. Elles mettent en perspective la part de l’imaginaire, les points de vue dominants, les paradoxes dissimulés, la subjectivité occultée. Elles apparaissent comme autant de boucles sur le réel, en prise avec lui mais se déployant ailleurs, renvoyant à différents lieux géographiques, à la mémoire, à nos fantasmes…


Les autres travaux, réalisés par Saâdane Afif, Etienne Chambaud, François Curlet et Virginie Yassef, s’attachent à réguler des flux, rythmer le regard et mesurer des écarts. Ils mettent en jeu différentes temporalités – mouvement continu, répétition, rupture… - qui défient l’action du spectateur et son point de vue. A la question du territoire se substitue celle de l’espace-temps et de notre place dans l’univers. Certains titres, « Moon Walk », « Mise en boucle du premier vol spatial habité », « Le Détecteur d’oubli (à la suite de la découverte d’un morceau d’isolant qui s’est détaché du lanceur) », renvoient ouvertement à la conquête de l’espace comme ciment d’une mémoire collective et comme point de rupture entre fantasme et réalité.


Le paradoxe de Zénon, posé en introduction et qui interroge le rapport entre une distance donnée et le temps nécessaire pour atteindre une cible, met en scène une situation absurde, puisqu’elle conclut à l’impossibilité d’atteindre une cible. Si l’on sait aujourd’hui qu'une série infinie peut converger vers un résultat fini, ce paradoxe continue de fasciner car il défie le sens commun en postulant un espace continu et/ou séquençable. Les artistes, passionnés par une pensée du mouvement ainsi que par le hiatus apparent entre la théorie et l’expérience, rivalisent d’ingéniosité et d’esprit pour mettre à l’épreuve leurs propres limites et tester les conditions d’apparition de leurs œuvres, sans négliger la puissance de l’humour et du paradoxe.


Quand les fantômes s’enfoncent dans la vraie neige… est un écran sur lequel s’inscrit une succession de phrases absurdes décrivant des situations observées dans des films burlesques et pour lesquelles il est difficile de dire s’il s’agit de poèmes ou de mots d’ordre. Cependant, ces phrases sont suffisament incongrues pour nous maintenir dans un état étrange et familier, où différents niveaux de réalité se mélangent. DÉRIVÉ est une invitation au voyage, divagation de l’esprit mais aussi expérience du sensible. Le corps du spectateur est sollicité pour faire la mise au point, se placer dans la ligne de mire, lire des instructions, écouter des sons, se saisir d’un poster... Les images observées s’imposent par leur puissance iconique, leur fragmentation, leur effacement ou bien leur surgissement… L’exposition défie notre rapport au visible et propose de considérer le réel sous différents angles, de rester en mouvement.